Aristophane

3ème Prix ex aequo

L'édifiante histoire de Joachim Pouco

Joseph Holcha

Dans un salon simple, autour d’une table en bois sont installés un couple d’une cinquantaine d’années et un homme dans la trentaine. Sur le tapis à franges, à leurs pieds, somnole un labrador.

 Mélanie, femme de Joachim

 Joachim, mari de Mélanie

 Gabriel, journaliste chez « Mycelia »

 Mike, labrador de Mélanie et Joachim (Joué par un vrai chien, un comédien ou animé par un marionnettiste)

 François, cancérologue

 Khadija, biologiste spécialiste des champignons

Début de la pièce

Scène 1

 Dans un salon simple, autour d’une table en bois sont installés un couple d’une cinquantaine d’années et un homme dans la trentaine. Sur le tapis à franges, à leurs pieds, somnole un labrador.

Gabriel : Je vous remercie de me recevoir. Le public et les scientifiques se passionnent pour votre histoire.

Mélanie : Ne me remerciez pas, c’est Joachim qui a voulu.

Gabriel, se tournant vers lui  : Merci à vous.

 Joachim le regarde attentivement.

 Gabriel : … Je suis venu pour que vous me racontiez votre histoire, Joachim ; je peux vous appeler Joachim ?

 Joachim reste silencieux.

Mélanie : Si vous voulez. Mais en fait, c’est plutôt moi qui vais vous raconter l’histoire. Il parle très peu ces derniers mois.

Joachim ferme les yeux, les rouvre.

Mélanie, le regarde, hoche la tête : C’était il y a quatre ans. João a commencé à se plaindre de douleurs au ventre, avec des diarrhées terribles. Au début, on ne s’est pas inquiété, mais ça durait, et j’ai fini par l’obliger à aller chez le médecin. Il lui a fait une prise de sang. Quand on a eu le résultat, le médecin a prescrit une autre analyse, puis une autre, jusqu’à ce qu’on nous dise : cancer du côlon. Ça a été un choc horrible. Il a commencé un traitement, chimiothérapie et rayons. C’était très dur. Il restait couché dix jours après chaque passage à l’hôpital, il vomissait sans cesse. On a serré les dents. Ça a duré plusieurs mois, puis il a fini par arriver au bout : on nous a dit que ça avait marché. Alors on s’est remis en route. Il a même repris le travail.

Gabriel : Mais c’est revenu.

Mélanie : Oui, six mois plus tard, les diarrhées ont recommencé. On a couru chez le médecin : récidive. Ils ont essayé un nouveau traitement. Ça a été encore plus violent, il était comme mangé de l’intérieur. En même temps, il est tombé en dépression. Il y avait de quoi, je vous assure, c’était épouvantable. J’avais vraiment très peur de le perdre, il pesait quarante kilos à ce moment-là.

Gabriel, amical : Il n’est pourtant pas en surpoids encore maintenant, hein Joachim ?

Joachim reste impassible.

Mélanie : Ça n’a rien à voir, croyez-moi. À l’époque il était maigre comme un pantin, il soulevait à peine les draps du lit.

Joachim pose sa main sur la sienne et la regarde avec chaleur. Le labrador lève la tête, puis la repose.

Mélanie, se passant la main sur le visage : Les médecins nous ont dit qu’ils n’avaient plus de solution, qu’il était perdu. Alors on est rentré à la maison. On a attendu que ça finisse. Il n’y en avait plus pour longtemps, il était à bout de forces. Puis un jour, j’ai reçu un coup de téléphone de l’hôpital. Ils proposaient d’essayer un nouveau traitement, quelque chose qui était encore en test, la dernière chance, en fait. Je suis allé voir João, je lui en ai parlé. Je voyais qu’il m’entendait, mais il ne réagissait pas, je ne savais pas s’il comprenait. Alors j’ai rappelé l’hôpital et j’ai dit oui.

Gabriel : C’était le fameux essai compassionnel, c’est ça ? Comment ça s’est passé ?

(à suivre)