Texte participant

La Caverne

Jacques Périer-Defrenne


Personnages :

Pablo, adolescent
Maria, la jeune fille
Le Rat, la trentaine
Le Gouverneur Perez, cinquante ans
Alejandro, vieillard

Note d'intention

Dans sa vie professionnelle, Jacques Périer-Defrenne a eu souvent l'occasion de cotoyer, et même parfois d'exercer, le pouvoir. Auteur dramatique, il a consacré plusieurs textes à sa réflexion sur ce que représente celui-ci. Il a ainsi écrit un "Créon, ou le pouvoir", en miroir à Antigone, un "Senatus populusque, ou la Trahison", et quelques autres.

Dans ce texte précoce, dont la première partie a été écrite alors qu'il n'avait encore que 19 ans, il imagine un jeune homme, pétri de révolte et d'idées révolutionnaires, quelque part en amérique du Sud. Réfugié dans une caverne proche de la ville, il voit arriver successivement un révolutionnaire trentenaire, un dictateur d'âge mûr et un vieillard en habit de bure. Il comprend alors que cette caverne est le lieu d'une faille spatio-temporelle, et que c'est lui qu'il rencontre ainsi, à trois autres stades de sa vie.

L'auteur, en terminant cette pièce inachevée quarante ans après l'avoir laissée, fait passer dans ce texte la réflexion qu'il a lui-même menée sur cette partie de sa vie. Il essaie de le faire en s'éloignant de la peinture caricaturale qui est souvent faite des personnes de pouvoir, en leur laissant le bénéfice de la sincérité, quels que soient leurs actes.

Bio Express

Jacques Périer-Defrenne, enseigne le droit et le management dans une université française. Passionné de Théâtre depuis de nombreuses années, il a longtemps mené de pair son activité professionnelle, le jour, et, le soir, une seconde activité de comédien amateur. Cependant, l’écriture le tentait. Après un premier essai, à la fin des années 70 (Les Grandes Marées, 1978), mis en répétition, mais non représenté, ce n’est que dans les années 1990, après une rencontre dans un cours de théâtre, qu’il décide de se remettre au travail, et cette fois sérieusement. 

Début de la pièce


La scène présente l'intérieur d'une très vieille bâtisse abandonnée. Un vieux fort par exemple. Pas de jour, ou presque. L'entrée est obstruée par des broussailles.
 
SCENE 1
Pablo, La jeune fille
Le couple franchit l'entrée, débouche dans la semi-obscurité.
La jeune fille : Où sommes-nous ?
Pablo : Chez moi
La jeune fille : Comment ça chez toi ? Tu n'habites pas ici !
Pablo : Tu ne comprends pas ce que je veux dire : ici c'est chez moi parce que je suis le seul à connaître cet endroit. Les gens croient qu’il y a des esprits, que le temps et l’espace se rencontrent ici. Des sottises.
La jeune fille : Je n'aime pas cette obscurité. Sortons !
Pablo : Non, attends ! Reste ici, avec moi. Approche.
La jeune fille : Non ! J'ai peur. Tu me fais peur.
Pablo : .  Maria, je t'en prie
La jeune fille : Je ne veux pas que tu me touches !
Pablo : Attends, je vais essayer de faire de la lumière ! (Il gratte une allumette, cherche un peu, trouve une vieille bougie et l'allume. ) Voilà. Je venais ici quelque fois, quand j'avais douze ans. Je me souvenais qu'il y avait une bougie. Je crois que personne n'est venu ici depuis lors...
La jeune fille : Je hais cet endroit. Ça sent le renfermé. Et puis regarde : toute cette poussière, toute cette humidité ! ... Pourquoi m'as-tu amenée ici. J'espère que tu ne te fais pas d'idées, parce que ...
Pablo : Parce que ?
La jeune fille : Eh bien, il est hors de question que nous restions ici plus longtemps ! ...
Pablo : je voulais seulement te montrer cet endroit,  Maria. Il n'y a que moi qui le connaisse. T'amener ici, c'est un peu comme si je te faisais entrer en moi, dans mon esprit.
La jeune fille : J'espère bien que ton esprit ne ressemble pas à ça. C'est si ... dégoûtant, délabré ... Allons-nous en, je t'en prie. Moi, je n'ai rien à faire ici. Je me sens mal à l'aise. N’importe qui pourrait arriver, nous surprendre...
Pablo : Comme tu es belle,  Maria. Comme tu es belle. J'ai envie de ...
La jeune fille : Oh ! Mon sac.
Pablo : Quoi, ton sac ?
La jeune fille : Je l'ai oublié ! Au bord de la rivière, tout à l'heure.
Pablo : Ce n'est pas grave ! Personne ne passe jamais par-là !
La jeune fille : Laisse-moi. Je veux mon sac.
Pablo : Hé bien retourne le chercher !
La jeune fille : D'accord ! Attends-moi ici, je reviens !
Pablo : , Tu me promets que tu reviens !
La jeune fille : Bien sûr, que je te le promets.
Pablo : Donne-moi un baiser alors, en gage.
La Jeune fille : Tu es fou ! Laisse-moi partir !
Pablo : Un baiser. je te promets que je te le rendrai !
La jeune fille : Tu exagères ! (Ils s'embrassent à la va vite )Bon. Voilà. Maintenant, j'y vais.
Pablo : Reviens vite !
(Elle sort)
 
SCENE 2
Pablo, le Rat
 Le Rat (Dans l'ombre) : Elle ne reviendra pas !
Pablo : Comment ? Qui a parlé ?
Le Rat (Apparaît dans la lumière) : Elle ne reviendra pas.